« L’électrocution n’a duré qu’un instant, mais les brûlures sont indélébiles »

Respecter les consignes de sécurité et suivre les formations adéquates sont des démarches essentielles quand l’électricité est en jeu. Voilà plus de 10 ans que Paul doit vivre avec les conséquences d’une erreur humaine.
Damien G.
17/01/2022 |

« Je veux raconter mon histoire pour protéger les autres, pour éviter qu’ils ne fassent les mêmes erreurs et ne subissent toute leur vie les conséquences de leurs blessures.”

« Après une formation A2 en électronique, j’ai tout de suite commencé à travailler dans une petite société, fin des années septante. Au bout de 3 ans, j’ai changé de travail et me suis retrouvé dans une firme qui installait des cabines à haute tension pour des grandes entreprises belges. Les 10 premières années, j’effectuais principalement des travaux électriques ordinaires chez des particuliers. Ensuite, j’ai été affecté aux travaux et interventions en entreprises. Mon expérience était donc plus que suffisante et j’étais très attentif à la sécurité. »

Petits et gros incidents

Paul se souvient de nombreux incidents mineurs ou majeurs qui, par chance,  sont généralement restés sans conséquences.

« Avec l’électricité, la moindre erreur peut être mortelle. Imaginez que vous oubliez de fermer la porte d’un boîtier de distribution et qu’un pigeon vienne s’y fracasser ou qu’un rat pénètre à l’intérieur. Les conséquences sont loin d’être négligeables ! J’ai travaillé un jour sur une cabine à haute tension dans les Ardennes. Les câbles étaient parfaitement débranchés mais le groupe électrogène s’est soudain mis en marche. Le courant a atteint la cabine à haute tension via le transformateur. Un de mes collègues était en train de monter un boulon et son corps a été parcouru d’une décharge de 11 000 volts. Heureusement, il n’a eu que le doigt brûlé. Je me souviens également d’une mission dans une fabrique de chocolat, fin des années 90. Le propriétaire a voulu rebrancher le courant alors que nous étions encore en train de travailler sur un vieux boîtier électrique ouvert. Nous sommes heureusement intervenus à temps. Ce sont les accidents les plus stupides que l’on oublie le plus rapidement, mais ils font la différence. »

Le jour où tout a basculé

Paul s’est rejoué le film de son accident dans la tête des centaines de fois.

« Il y a 10 ans, j’ai été appelé par une société belge pour travailler sur un boîtier électrique. Selon les travailleurs sur place, toute l’électricité avait bien été coupée une heure auparavant et la check-list de sécurité avait été correctement remplie… ce qui n’était pas le cas ! Dans la cabine où a eu lieu l’accident, tous les câbles avaient été soigneusement enlevés… à l’exception d’un seul qui était tombé sous le sol et qui n’était donc pas visible de prime abord. Il y avait 3 disjoncteurs dans ce boîtier et j’ai touché le mauvais. Je me suis brûlé la main jusqu’à l’os et le choc m’a projeté contre le boîtier. Avec pour résultat 2 brûlures supplémentaires, au front et au nez. »

Tout réapprendre

« Au centre des brûlés de l’Hôpital universitaire de Gand, on m’a d’abord donné une chance de survie de 1 sur 1000. Je me suis battu pour la vie. Après un coma artificiel d’un jour, il s’est avéré que j’avais subi des lésions cérébrales et j’ai donc dû réapprendre à parler, à marcher, à manger, etc. Il a fallu aussi reconstituer ma cloison nasale à partir du cartilage de mon oreille. J’ai subi 30 opérations en 3 ans et j’ai consulté un kinésithérapeute pendant 9 ans parce que j’avais des difficultés à bouger le poignet. L’électricité n’a pas épargné mes muscles et mes nerfs, les cicatrices sur mon poignet droit, mon front et mon nez en sont la preuve. Mettez un fil de cuivre sous tension : il noircit et craque. Je ne trouve pas d’autres mots pour décrire ce qui est arrivé à mes nerfs. »

Un défi mental

Paul est encore confronté chaque jour aux conséquences de ce jour tragique.

« Une électrisation est un défi mental. Plus de 10 ans après l’accident, j’ai du mal à me regarder dans un miroir parce que mes yeux se posent inévitablement sur mes cicatrices au front et au nez. C’est ce à quoi doit faire face tout brûlé. Les activités les plus ordinaires, comme faire du shopping ou du sport, sont tout de suite beaucoup moins évidentes. D’une part, parce que c’est difficile physiquement. D’autre part, parce qu’il faut être prêt mentalement à se montrer en public. »

Retravailler comme électricien est exclu.

« Vous gagnez bien votre vie et, du jour au lendemain, tout s’écroule. Ce jour-là a marqué un tournant dans ma vie : j’ai suivi une formation de restaurateur et j’effectue des missions chez des particuliers. J’ai été victime d’une électrisation il y a dix ans et je suis maintenant un brûlé. Cet accident n’a duré qu’un instant mais je dois vivre avec les conséquences de ces brûlures pour le reste de ma vie. Je ne saurais trop insister : prenez les mesures nécessaires pour éviter une telle souffrance. Contrôlez vous-même toutes les étapes et dressez ensuite un compte rendu de chaque incident électrique. Pourquoi ? Parce que vos collègues peuvent tirer des leçons de ces expériences. Utilisez ces rapports pendant la formation, même si cela doit allonger la durée des formations actuelles. Croyez-moi : une bonne formation sauve des vies. »

(*) Pour des raisons de confidentialité, le prénom de la victime a été modifié.

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