9 questions sur la voiture à hydrogène

Souvent présentée comme alternative au véhicule électrique à batterie, la voiture à hydrogène commence à faire parler d’elle. La technologie reste onéreuse et seules quelques marques parient sur elle. L’hydrogène a pourtant des atouts.
Isabelle
Isabelle V.
05/11/2019 |
Voiture hydrogène Toyota Mirai à Bruxelles

Qu’on se le dise, la voiture à hydrogène est une voiture électrique. Mais un véhicule électrique qui fonctionne grâce à un moteur alimenté par de l’hydrogène, plutôt que doté d’une batterie. Pour bien comprendre cette technologie dont on parle de plus en plus, 9 questions méritent d’être posées. Bouclez votre ceinture, c’est parti !

1. L’hydrogène, c’est quoi ?

Le plus petit élément chimique connu ! La molécule se compose de 2 atomes (H2), d’où son autre nom de « dihydrogène ». L’hydrogène est très abondant dans l’univers et il renferme beaucoup d’énergie. Il est d’ailleurs le carburant principal des étoiles.

Cependant, sur terre, l’hydrogène n’existe pas comme tel. Il est toujours associé à d’autres éléments. On le trouve ainsi dans l’eau, où il est combiné avec de l’oxygène, ou dans les matières fossiles, où il est combiné avec du carbone. Si on veut l’utiliser, notamment pour les voitures, il faut donc d’abord l’extraire. Alors concrètement, comment ça marche ?

2. Comment produit-on de l’hydrogène ?

Maquette voiture moteur à hydrogène

1. Le « vaporeformage » est une première technique. On part du gaz naturel ou du biogaz, qui sont principalement constitués de méthane (CH4). On chauffe, on mélange avec de la vapeur d’eau et un catalyseur. Les atomes se séparent alors en hydrogène (H2) et en dioxyde de carbone (CO2). C’est la technique la plus utilisée (à 95%), notamment pour les besoins industriels. Le bémol ? Elle nécessite de l’énergie et émet du gaz à effet de serre.

2. L’« électrolyse » est une seconde technique. Elle est toutefois moins efficace. On fait passer du courant dans de l’eau (H2O), ce qui permet de séparer l’hydrogène (H2) de l’oxygène (O2). Si le courant est produit par des panneaux photovoltaïques ou l’éolien, la technique est beaucoup plus verte.

3. D’autres méthodes existent, confidentielles ou expérimentales.

Dans tous les cas, l’hydrogène obtenu se présente sous la forme d’un gaz, qui est compressé – parfois liquéfié – pour son stockage.

3. Pourquoi l’hydrogène est-il une solution pour la mobilité ?

Bien qu’il existe de nombreuses idées reçues sur les voitures électriques, elles sont considérées comme l’avenir de la mobilité. Elles ne produisent pas de rejets en roulant et ont un rendement nettement supérieur aux moteurs à explosion (qui accumulent les pertes en chaleur). 

Le moteur électrique est généralement alimenté par des batteries. Cependant, l’autonomie de celles-ci reste limitée : environ 350 km en utilisation réelle en 2019. Le temps de charge est également un obstacle souvent mis en avant. Même si des progrès sont faits, les constructeurs craignent d’atteindre des limites physiques et donc de se retrouver dans une impasse. C’est ici que l’hydrogène entre en scène.

Si on remplace les batteries par un moteur à hydrogène – c’est-à-dire une pile à combustible –, on peut produire l’électricité en temps réel au sein même de la voiture ! Plus besoin de recharger sa voiture avec ses panneaux solaires ou à une borne. De plus, l’autonomie s’allonge : 550 km aujourd’hui. Et le temps de rechargement est réduit : 5 minutes pour faire le plein à la pompe !

4. Comment fonctionne une voiture à l’hydrogène ?

Tout passe par une pile à combustible. Le principe de fonctionnement est l’inverse de l’électrolyse (voir question 2). L’hydrogène, provenant du réservoir de la voiture, est recombiné avec de l’oxygène, capté dans l’air. Cela génère de l’électricité et un peu d’eau. Le courant produit peut alors alimenter le moteur principal, semblable à celui de tout véhicule électrique.

Voiture avec réservoir et moteur hydrogène

Placé généralement dans le coffre, le réservoir à hydrogène est en polymère et fibre de carbone, afin d’être léger et solide. L’hydrogène doit en effet être bien protégé, car il est extrêmement inflammable. Son stockage se fait sous pression (à 350 ou à 700 bars), afin de prendre moins de place. À la pompe, l’hydrogène est refroidi à moins 40°C pour contrecarrer son échauffement lors des pleins. À noter que sur les derniers modèles, une batterie vient en appoint, pour démarrer et pour récupérer l’énergie lors des freinages.

5. Les voitures à hydrogène sont-elles au point ?

Les premiers modèles en série sont apparus à partir de 2013. Les constructeurs pionniers s’appellent Toyota, Hyundai, Honda ou encore BMW. Toutefois, ces Fuel Cell Electric Vehicles (FCEV) restent chers à fabriquer et à acheter (voir question 6).

Sur la route, leur conduite ne diffère guère d’une voiture alimentée par batteries : même silence de fonctionnement et quasi mêmes accélérations franches.

En 2018, selon la Febiac, la Fédération de l’industrie automobile :
26 voitures à hydrogène circulaient en Belgique
– Contre 10 748 voitures à batteries
– 11 128 au CNG (gaz naturel compressé)
– 14 307 au LPG (gaz de pétrole liquéfié)
– et 92 514 hybrides (carburants + batteries).

6. Y a-t-il beaucoup de modèles disponibles ?

Aujourd’hui, chez nous, l’offre se résume à la Hyundai Nexo (74 499 €) et à la Toyota Mirai (79 900 €).

Le dernier modèle d’Honda est le Clarity Fuel Cell, mais il n’est disponible qu’au Japon et en Californie. Depuis 2018, Mercedes livre un SUV spécifique, le GLC F-CELL, à des clients professionnels en Allemagne.

Mercedes GLC F-Cell

Le concurrent BMW a présenté en septembre 2019 son X5 en version à hydrogène, baptisé i Hydrogen NEXT. La mise sur le marché est prévue pour 2025. Un objectif partagé par Audi, qui a déjà développé 2 prototypes : une berline, l’A7 h-tron, en 2014 et un SUV, l’h-tron Quattro, en 2016.

Autre initiative significative en Europe : l’équipementier Symbio équipe des utilitaires électriques Renault Kangoo avec des piles à hydrogène et les propose à des collectivités et entreprises. En France, le groupe ENGIE en fait rouler à Gennevilliers, Lyon et Grenoble.

7. Où faire le plein en hydrogène en Belgique ?

Actuellement, en Belgique, il existe seulement 2 stations accessibles au public : une à Zaventem (située chez Toyota Europe et gérée par Air Liquide) et une à Hal (proche du siège de Colruyt). D’autres devraient suivre, notamment à Gand et Wilrijk.

Station-service hydrogène

Dans l’Union européenne, on en compte une centaine, selon Hydrogen Europe, un consortium de firmes œuvrant pour cette technologie. L’Allemagne est le pays le mieux équipé. Hydrogen Europe vise 1000 stations en 2025, puis 4500 en 2030. Avec l’aide de fonds de l’UE. C’est que ces stations coûtent cher : 1 million d’euros pour celles destinées aux voitures ; 3,2 millions pour celles destinées aux bus.

8. L’hydrogène s’adapte-t-il aussi aux transports publics ?

Oui. C’est d’ailleurs une voie technologiquement et économiquement plus avancée que celle des voitures. Depuis 2003, de nombreux projets ont été mis sur pied pour tester des bus à hydrogène dans diverses villes européennes. En plusieurs lieux, le déploiement de flottes conséquentes est désormais envisagé.

De Lijn_Anvers_Antwerpen_hydrogène_bus hydrogène_mobilité_transport public_transport en commun

Chez nous, De Lijn utilise 5 bus à hydrogène à Anvers depuis 2014. En Wallonie, le TEC entend s’équiper avec de tels bus et créer 2 stations de rechargement (à Liège et Charleroi). ENGIE est d’ailleurs partenaire de ce projet. Les besoins sont importants car à partir de 2025, tout nouveau véhicule de transport public en Belgique ne pourra plus émettre de CO2.

9. Le véhicule à hydrogène a-t-il réellement sa chance ?

Pour remplacer les moteurs à combustion, le moteur électrique tient la corde. Mais doit-il être alimenté par des batteries ou par une pile à combustible ? Les avis divergent. Le match est lancé. Il faut dire que les 2 vecteurs présentent chacun des avantages et des inconvénients.

> Côté utilisation, le véhicule à hydrogène se distingue. Il assure une bonne autonomie, procure une recharge rapide et n’oblige pas à bouleverser nos habitudes de déplacement, ni à adapter nos réseaux de bus. Le véhicule à batteries ne peut pas en dire autant.

> Côté rendement, l’hydrogène souffre de pertes d’énergie, vu ses transformations : extraction, compression/liquéfaction, reconversion… Selon les experts, le rendement global d’une voiture serait de 75 % avec des batteries, de 45 % avec de l’hydrogène et de 25 % avec des carburants fossiles.

> Côté infrastructures, il est encore difficile d’y voir clair. Les stations à l’hydrogène sont onéreuses. Les bornes de chargement de batterie, elles, se multiplient de plus en plus.

> Côté finances, le prix d’achat actuel est élevé pour la voiture à batteries (souvent 35 000 €) mais réellement dissuasif pour la voiture à hydrogène (75 000 €). Idem pour le carburant : pour parcourir 500 km, l’électricité coûte environ 12 € ; l’hydrogène environ 50 €…

> Côté écologie, toutes deux ont des empreintes. La voiture à batteries est gourmande en métaux rares et son électricité provient de centrales à la fois grises et vertes. La voiture à hydrogène a besoin de platine (rare et cher) et son H2 provient jusqu’ici du vaporeformage du gaz naturel.

En conclusion ?

Si le véhicule hydrogène présente immanquablement des atouts, notamment en termes d’autonomie, plusieurs obstacles subsistent encore pour qu’il rencontre le succès auprès du grand public (prix, infrastructures…). Le véhicule à batterie reste donc pour l’instant la meilleure option, d’autant que les constructeurs améliorent d’année en année son autonomie, proche, aujourd’hui, des 350 km en moyenne.